Après le crash d’un 737-800 NG en Chine fin mars, Boeing se retrouve en difficulté. Cet accident survient alors que l’avionneur était déjà dans une situation financière délicate suite aux deux crashs de 737 MAX survenus en 2018 et 2019. Le nouvel accident risque de remettre en cause les commandes chinoises indispensables au redressement du géant américain.
132 morts dans le crash d’un 737 en Chine
Le lundi 21 mars, un Boeing 737-800 NG de la compagnie China Eastern s’est crashé aux environs de Wuzhou dans la province du Guangxi. Le vol MU 5735 avait décollé de Kunming et devait relier Canton. L’avion a fait une chute vertigineuse, perdant 6 500 m en une minute alors qu’il volait à son altitude de croisière. Après une brève remontée, l’appareil a repris son plongeon et s’est écrasé sur une colline boisée, provoquant un puissant incendie. Les 123 passagers et 9 membres d’équipage sont tous morts dans l’accident.
Des causes encore inconnues
Les causes de l’accident ne sont pas connues à ce jour. Les experts soulignent le fait que la chute brutale de l’appareil est un phénomène très inhabituel. Ils évoquent différentes pistes sans pouvoir en privilégier aucune à ce stade : une défaillance du pilote automatique, ou encore une intervention humaine.
Le 737 NG a été lancé dans les années 1990. Il s’agit de la troisième version du 737 apparu dans les années 1960. Les quelque 4 000 avions 737 NG qui ont été livrés dans le monde sont réputés fiables. La China Eastern est la deuxième plus grande compagnie chinoise et elle jouit d’une bonne réputation. Le pilote et le copilote étaient expérimentés et présentaient d’excellents états de service.
Dès l’annonce de l’accident, l’agence chinoise de la sécurité aérienne (CAAC) a dépêché sur les lieux une équipe chargée de retrouver les boîtes noires de l’appareil. L’une d’elles a enregistré les conversations à l’intérieur du cockpit, tandis que l’autre contient toutes les données de vol. La deuxième boîte noire a été retrouvée le 27 mars. Boeing a tout d’abord craint que l’enquête soit menée à charge par les autorités chinoises, mais les deux enregistreurs ont finalement été envoyés aux États-Unis pour être analysés.
Un troisième accident en quatre ans pour Boeing
Ce n’est pas la première fois que le géant de l’aéronautique américain connaît des déboires avec ses 737. En octobre 2018 et mars 2019, deux 737 MAX se sont crashés en Indonésie et en Éthiopie, tuant 346 personnes. La cause de ces accidents était le MCAS, un système antidécrochage qui présentait des défauts majeurs. La formation des pilotes à son utilisation était de plus insuffisante.
L’enquête a mis en évidence la responsabilité de Boeing dans ces accidents. L’entreprise avait en effet volontairement caché certaines informations critiques lors du processus de certification dans le but d’accélérer cette dernière. Elle avait également négligé la formation des pilotes pour des raisons de délais et de coûts. Fin 2020, Boeing a reconnu avoir menti à la Federal Aviation Authority (FAA) et accepté de payer une amende de 2,5 milliards de dollars pour mettre fin aux poursuites pénales.
Quelles conséquences pour le géant américain ?
Suite aux accidents de 2018 et 2019, les 737 MAX s’étaient vus cloués au sol dans le monde entier. La Chine avait été parmi les premiers pays à prendre cette décision. L’avionneur américain avait également enregistré une vague d’annulations de commandes et perdu plus de 20 milliards de dollars dans cette crise. Cela a eu comme conséquence des pertes nettes pendant trois années consécutives en 2019, 2020 et 2021, tandis que son concurrent européen Airbus enregistrait des bénéfices historiques. Boeing avait finalement obtenu la levée de l’interdiction de vol en Chine fin 2021, mais la reprise de l’exploitation commerciale n’était pas encore effective au moment du crash de du 737-800 NG. Dès le 21 mars, l’action de l’avionneur a chuté de 3,6% à Wall Street.
Le marché chinois représente 25% des commandes du géant aéronautique américain, qui devait lui livrer en 2022 environ 500 appareils 737 MAX. Le constructeur d’avions a absolument besoin de ces rentrées d’argent pour redevenir bénéficiaire en 2022. Or, même si l’accident du 21 mars ne concerne pas le 737 MAX, Pékin risque de remettre ces commandes en question. En effet, ce crash intervient dans un contexte de fortes tensions diplomatiques liées au conflit en Ukraine. Washington reproche à Pékin son soutien à Vladimir Poutine et menace la Chine de sanctions si elle apporte une aide militaire à la Russie. Le 737 MAX pourrait être une victime collatérale de cette situation, l’accident de Wuzhou servant de prétexte à Pékin pour affaiblir le fleuron américain de l’industrie aéronautique.