Tribune – « Comment l’alliance de la sur-règlementation et des amish menace (encore) l’innovation »

C’est un marronnier auquel on est habitué : la lourde réglementation française ralentit les innovations dans le pays, bridant l’attractivité et la réindustrialisation. De sommets « Choose France » en plans de relance, indéniablement le politique répond présent à ces enjeux, « quoi qu’il en coûte », et l’administration peine à suivre. 

La pandémie de Covid a révélé certaines limites de notre système. La Cour des comptes et l’OCDE ont ainsi mesuré un « indice de simplicité » qui révèle la complexité de l’acquisition d’aides d’urgence pour la recherche sur le Covid-19. Sur 19 pays étudiés, la France est ainsi 15ème, révélant donc non pas sa simplicité, mais sa complexité. La France est 15ème sur 19 pays ! 

Prenons un exemple : durant la pandémie, le ministère des Armées a lancé son propre appel à projets pour lutter contre le Covid. Au-delà de la surprise de voir ce ministère se saisir de cette question, la conduite même de l’appel à projets est édifiante. Ainsi, 2 584 propositions ont été reçues et analysées par les équipes du ministère, qui en ont retenu seulement 37 seulement ont été retenus, soit 1,4% des propositions. Pire encore, si on regarde jusqu’au bout, un seul projet a pu bénéficier d’un financement… 

Ces projets qui n’aboutissent pas sont autant de chercheurs déçus de ne pas trouver en France un cadre propice à leur créativité. Ils sont pourtant précieux ces scientifiques, tant ils nous manquent. Eurostat nous apprend que la France ne dispose que de 10 % de scientifiques et d’ingénieurs, contre 19 % en Allemagne et en Angleterre. Si nos écoles semblent former en nombre des ingénieurs, nous souffrons de ne pas réussir à les faire rester. La France est le 2ème pays dans le monde, derrière l’Inde, à subir une fuite des cerveaux massives : elle a un solde négatif de 130 000 alors que les Allemands ont un solde positif de 374 000 ! Le nombre de diplômés partant à l’étranger, estimés à 80 000 par an, a doublé ces dix dernières années. 

Mais dans ce match de boxe sur le punchingball de l’innovation, l’administration profite d’un sparring-partner de taille, les lobbys environnementaux. Évidemment, la question environnementale est et doit être centrale à la réflexion de toutes politiques publiques. Mais l’État manquerait à son devoir s’il occultait le reste des problématiques. 

Le dernier exemple en date est celui de l’internet par satellite, qui des associations ont décidé de court-circuiter. L’internet par satellite est la solution qui permet de fournir en connexion haut débit les territoires moins faciles d’accès, ou où les opérateurs historiques ne veulent pas intervenir. Il s’agit alors, pour des nouveaux entrants dynamiques, de résoudre cette équation, comme le propose Starlink, au cœur de cette affaire. 

Deux associations environnementales ont ainsi instruit un recours devant le Conseil d’État pour empêcher l’Arcep, le régulateur des télécoms, de délivrer des autorisations d’utilisation de fréquences à Starlink. Elles revendiquaient le trop grand nombre de satellites dans le ciel, et le danger que pourraient provoquer les ondes émises. Malheureusement, malgré un manque flagrant de scientificité dans leur démarche, celle-ci a trouvé un écho favorable auprès de la juridiction administrative suprême, qui a annulé la décision de l’Arcep. 

L’on revient à ce que disait le Président de la République en 2020, déjà à propos d’une innovation technologique, la 5G : « La France est le pays des Lumières, c’est le pays de l’innovation. J’entends beaucoup de voix qui s’élèvent pour nous expliquer qu’il faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile ! Je ne crois pas que le modèle Amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine. » 

Ainsi, sous pression des Amish, soutenus par une sur-réglementation inappropriée, l’Arcep doit procéder à une consultation publique, afin d’enfin pouvoir octroyer ses licences à l’entreprise. Mais le risque demeure, et ce serait les plus de 4 000 utilisateurs de Starlink, pour beaucoup situés dans des zones mal ou pas du tout desservies, qui se verraient suspendre leur service. Quelle bizarrerie française conduit à ce que des arguments irrationnels du point de vue scientifique aboutissent à imposer des procédures superfétatoires, qui in fine freinent le déploiement d’un service d’utilité publique ? 

Gageons que citoyens consultés et régulateur avisé donnent tort à cette alliance délétère au « pays des Lumières, pays de l’innovation ».