L’aéroport de Beauvais-Tillé, une plateforme aéroportuaire stratégique dans l’Oise, est au cœur d’une tempête judiciaire après une plainte déposée par l’association Anticor. Cette organisation, spécialisée dans la lutte contre la corruption, dénonce des irrégularités graves dans la gestion de l’aéroport, particulièrement en ce qui concerne des exonérations fiscales accordées à la compagnie aérienne Ryanair. Ce scandale met en lumière des pratiques financières contestables et soulève des questions sur la transparence des délégations de service public en France.
Un historique de gestion complexe et des modifications contractuelles litigieuses
Créé en 1956, l’aéroport de Beauvais-Tillé a longtemps été sous la gestion de l’État avant d’être transféré en 2008 au Syndicat Mixte de l’Aéroport de Beauvais-Tillé (SMABT), regroupant la région Picardie, le département de l’Oise et l’agglomération de Beauvais. L’exploitation de l’aéroport a ensuite été confiée à la Société Aéroportuaire de Gestion et d’Exploitation de Beauvais (SAGEB), une entité formée par la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) de l’Oise et Veolia Transports.
Cependant, la gestion de cet aéroport a rapidement suscité des interrogations. Selon plusieurs rapports de la Chambre Régionale des Comptes (CRC), publiés entre 2017 et 2023, des modifications contractuelles auraient été effectuées entre 2010 et 2015 sans respecter les procédures de mise en concurrence. Ces changements concernent notamment une clause limitant initialement l’activité de l’aéroport à 21 000 mouvements par an, une restriction modifiée en 2012 sans appel d’offres, ce qui constitue, selon la plainte, une violation des règles de délégation de service public.
Des exonérations fiscales douteuses en faveur de Ryanair
Au cœur de la plainte d’Anticor se trouvent également des pratiques financières jugées « douteuses ». La CRC pointe du doigt des exonérations fiscales et des remises sur les redevances aéroportuaires accordées à Ryanair, la principale compagnie opérant depuis Beauvais. Ces avantages incluent notamment des remboursements de la « taxe de sûreté » et de la « taxe de sécurité », des charges normalement supportées par les compagnies aériennes.
Ces pratiques, selon Maître Julien Kahn, avocat d’Anticor, pourraient constituer un délit de favoritisme, une infraction pénale grave en droit français. « Ces exonérations ont été accordées de manière opaque, sans justification claire, ce qui soulève de sérieuses questions sur l’équité de la gestion de l’aéroport », a-t-il déclaré.
Un impact national pour une affaire locale
Bien que cette affaire concerne principalement l’aéroport de Beauvais-Tillé, ses répercussions pourraient s’étendre bien au-delà. La gestion des infrastructures aéroportuaires en France, et plus largement des contrats de délégation de service public, est désormais scrutée avec une attention accrue. Anticor, qui a déjà réussi à faire avancer plusieurs dossiers similaires, espère que cette plainte servira de catalyseur pour renforcer la transparence et l’intégrité dans l’attribution et la gestion de ces contrats.
Le Syndicat Mixte de l’Aéroport de Beauvais-Tillé, quant à lui, a refusé de commenter les faits, arguant que ces événements datent de plus de dix ans. Cependant, la justice devra se prononcer sur la légalité des actions passées et déterminer si des sanctions sont nécessaires pour les acteurs impliqués.